Missak
Manouchian |
Missak
Manouchian
est né le ler septembre 1906 dans une famille de paysans arméniens
du petit village d'Adyaman, en Turquie. Il a huit ans lorsque son père
trouvera la mort au cours d'un massacre par des militaires turcs. Sa mère
mourra de maladie, aggravée par la famine qui frappait la population
arménienne.
Agé de neuf ans, témoin des atrocités du génocide
des Arméniens perpétré par la Turquie, Missak Manouchian
en restera marqué pour la vie. De nature renfermée, il deviendra
encore plus taciturne ce qui le conduira, vers l'âge de douze ou treize
ans, à exprimer ses états d'âme en vers : "Un charmant
petit enfant /A songé toute une nuit durant/ Qu'il fera à l'aube
pourpre et douce / Des bouquets de roses".
Recueilli comme des centaines d'autres orphelins par une institution chrétienne
après avoir été hébergé dans une famille
kurde, Missak gardera toujours le souvenir du martyre arménien mais aussi
de la gentillesse des familles kurdes, ce qui le rapprochera, 25 ans plus tard,
de ses camarades juifs de la résistance en France, eux-mêmes confrontés
au génocide de leur peuple.
Arrivé en 1924 avec son jeune frère à Marseille, Missak
apprendra la menuiserie et s'adonnera à des métiers de circonstance.
Il consacrera les journées de chômage aux études, fréquentant
les "universités ouvrières" créées par
les syndicats ouvriers (CGT).
En 1934, il adhère au Parti communiste et intègre le groupe arménien
de la MOI (Main d'uvre immigré). Il fonde successivement deux revues
littéraires, Tchank (Effort) puis Machagouyt (Culture). Dès 1937,
on le trouvera en même temps à la tête du Comité de
secours à l'Arménie, et rédacteur de son journal, Zangou
(nom d'un fleuve en Arménie).
Après la défaite de 1940, il redevient ouvrier puis responsable
de la section arménienne de la MOI clandestine. En 1943, il est versé
dans les FTP de la MOI parisienne dont il prend la direction militaire en août,
sous le commandement de Joseph Epstein. Missak dirige donc ce réseau
de 22 hommes et une femme.
Depuis fin 1942, ces hommes ont mené dans Paris une guérilla incessante
contre les Allemands : ils ont réalisé en moyenne une opération
armée tous les deux jours: attentats, sabotages, déraillements
de trains, pose de bombes. Leur grand coup d'éclat a lieu le 28 septembre
1943 lorsqu'ils abattent Julius Ritter, responsable du S.T.O. en France et général
S.S.
Le 16 novembre 1943 Missak Manouchian doit rencontrer Joseph Epstein (responsable
des Francs-Tireurs Français pour l'Ile-de-France) sur les berges de la
Seine à Evry Petit-Bourg (Essonne). Ils
seront capturés sur la rive gauche après avoir tenté d'échapper
aux policiers en civil lancés à leurs trousses. Ainsi a pris fin
l'une des plus grandes opérations de police contre la résistance,
notamment la formation militaire des volontaires immigrés d'origines
juive, italienne, espagnole, arménienne... dont les faits d'armes, dans
la capitale même, furent autant de coups portés au prestige de
l'occupant. Ce qui leur valut la colère de Berlin qui exigeait de mettre
rapidement les "terroristes juifs et étrangers hors d'état
de nuire". Les
membres du groupe Manouchian furent condamnés, après un procès
de trois jours, le 21 février 1944. Les hommes furent exécutés,
le jour même, au Mont Valérien. Les Allemands avaient voulu faire
du procès des "Vingt-trois" une entreprise de propagande. La
propagande allemande voulant montrer que ces hommes n'étaient pas des
libérateurs mais des criminels, des terroristes et des ennemis de la
France.
L'affiche rouge :
L'Affiche rouge a été placardée, le 1er mars 1944,
par les services de propagande allemands et vichyssois dans toutes les villes
et villages de France. On en estime le tirage à plus de quinze mille.
L'exemplaire (ci-dessous) des Archives Municipales de Lyon a été
arraché d'un mur et en porte les traces. L'affiche veut faire ressortir
le poids des attentats. A cet effet, elle ordonne les portaits en une flèche
dont la pointe est celui de Manouchian. Les photos de cinq attentats, dont trois
attentats ferroviaires, formant la cible. La légende ("Des libérateurs
? La libération par l'armée du crime !") fait écho
au message de libération nationale que cherche à faire passer
la Résistance. En dénonçant nomément certains membres
du groupe Manouchian, la propagande de la Collaboration vise à discréditer,
de façon insidieuse, le combat de la Résistance, lequel serait
le fait d'étrangers et de juifs.
Aujourd'hui, un parc (à l'endroit même où eut lieu son arrestation) a été créé par la Mairie d'Évry.